Retrouvailles peu attendue (Seth)

Je m'étais levé de bonheur, ça faisait à peine quelques jours que j'étais sortis que ma petite sœur n'arrêtait pas de me moraliser. Elle m'en voulait d'avoir passé à tabac le responsable de la mort de ma femme, d'avoir refusé tout les parloirs quand elle venait me voir. Je comprenais sa colère et malheureusement je ne regrettais rien. Mon geste avait été réfléchi mais n'avalt pas eu l'effet esconté, je pensais que ça me soulagerais mais pas du tout. Et si je refusais catégoriquement de voir qui que ce soit, c'était parce qu'étant flic j'étais souvent amoché et je voulais épargner cette vue à mes proches. J'estimais qu'ils n'avaient pas besoin de voir ça.

On avait partagé le petit déjeuner ensemble, on avait pas mal parlé, je crois que depuis ma sortie de prison c'était la première fois qu'on parlait aussi calmement et ouvertement. J'en avais manqué des choses ses cinq dernières années et j'avais le droit à un résumé. Je l'aidais à débarrasser une fois qu'on eut terminé et elle se proposa de me déposer au bureau de réinsertion. Ce que je ne refusais pas, la prenant dans mes bras chaleureusement. Sans elle, je serais certainement à la rue.

Quelques minutes plus tard, j'étais devant la secrétaire. « Bonjour, Evan Bright, j'ai rendez-vous mais je suis un peu en avance. »  Elle m'informa de patienter dans une salle d'attente, ce que je fis, j'étais seul et pris un magazine, plus pour passer le temps que par intérêt.

Seth avait un boulot. Un petit boulot dans une galerie d'art. Si le lieu avait tout du prestige, il restait dans les coulisses. Son boulot, c'était de nettoyer les lieux – les sols, les poussières, les fenêtres qui donnaient vue sur l'intérieur de la galerie. Apparemment, son agent de réinsertion avait trouvé le piston et il avait signé le contrat la veille. Il fallait ramener les papiers pour bien prouver qu'il était clean et qu'il essayait de récupérer un semblant de vie dans le monde des gens normaux. Papier sous le bras et café à la main, il débarqua dans le bureau de réinsertion avec un sourire jusqu'aux oreilles. Fier comme un pan, il ne devait que déposer les papiers signés par la propriétaire de la galerie. Pas de rendez-vous aujourd'hui. « Les papiers sont là, remplis, signés. Dis-moi que tout est en ordre. » dit-il en s'accoudant au comptoir du bureau de la réceptionniste qui y jeta un coup d'oeil expert. Et alors que le regard de la réceptionniste se perdait dans les documents officiels, Seth balaya la salle d'attente du regard pour tomber nez à nez avec un vieux camarade de prison. Un flic qui avait commis une connerie – une connerie que Seth jugeait juste – mais une connerie qui l'avait conduit en prison. La réceptionniste n'eut pas le temps de dire quoique ce soit qu'il se dirigeait déjà vers Evan, sourire aux lèvres. « Ne me dites pas que c'est Evan Bright que je vois là. » dit-il en faisant quelques pas vers sa direction, pour attirer son attention. Il y eut une étreinte virile mais chaleureuse. Seth lui tapota dans le dos avant de lui demander « Depuis quand est-ce que tu es dehors, vieux ? »

Ravi de voir que son ami était libre, il prit place à ses côtés dans la salle d'attente. « T'as rendez-vous ? Tu fais quoi après ? Perso, rien de prévu et on pourrait peut-être bouffer un truc à côté. » Sa lourde main se posa sur l'épaule d'Evan: « Ravi de te voir dehors. »

J'étais dans la salle d'attente et ne prêtais aucune intention à la personne qui entrait. Finalement je m'étais perdu dans le magazine people, chose qui ne me ressemblais pas totalement. C'est un sourire aux lèvres que je redressais la tête tout en me levant. Se tenant face à moi, un vieux camarade de prison avec lequel j'avais partagé quelques temps, on avait fait la même connerie, tabasser celui qui avait tué une de nos proches. Le concernant c'était sa sœur. Je répondis à son étreinte avec un grand sourire. « Hey mon pote ! Ça fait quelques jours que je suis sortis. »  Ça faisait bizarre de le revoir ici, je sais qu'on avait prévu de se retrouver à notre sortie mais là c'était totalement imprévu et c'est ça qui me réjouissais.

On s'asseyait tout les deux avant de poursuivre notre discussion. Il me proposait qu'on aille manger un morceau une fois que j'aurais terminé. C'était une bonne idée.  « J'ai rendez-vous oui. Après je suis totalement libre donc je te laisse choisir le lieu. Moi aussi je suis ravi de te voir dehors. Ça fait un bien fou d'être libre. »

Durant mon incarcération, je ne parlais jamais de moi ni même de ce que je pouvais ressentir, il était hors de question que je donne le moindre petit truc pour jouer contre moi.

Quelques jours depuis sa sortie. Seth était dehors depuis près de deux semaines et il n'avait toujours pas mis de l'ordre dans sa vie. A vrai dire, il commençait seulement à voir un semblant de lumière au bout du tunnel avec son contrat de boulot. D'abord pour quelques mois. Ensuite, on verrait ce que ça donnera. Il avait un minuscule appartement, mais ce dernier était des plus vides. En sa possession, il n'avait presque plus rien. Sa tante veillait à ce qu'il récupère quelques meubles qu'elle avait entassé dans son garage mais Seth n'était pas encore prêt à s'installer. A vrai dire, il avait été bien trop longtemps enfermé dans 11 mètres carrés et il avait du mal à supporter tout cet espace vide. Est-ce qu'Evan en était au même point ou est-ce qu'il se débrouillait mieux que lui ? « Félicitations ! » dit-il avec sincérité. La réceptionniste lui fit un signe de main pour lui faire comprendre que ses papiers étaient en ordre et Seth se leva en lui répondant d'un pouce en l'air. Bref et concis, il n'avait pas le temps pour faire des révérences et des longs discours, il avait un vieil ami face à lui.

« Niquel. J'ai découvert un petit endroit pas mal à deux pas d'ici. » répondit-il en décrivant avec les mains où se trouvait le lieu en question. Puis, il but une gorgée de son café brûlant qu'il s'était pris au café d'en face. Une cafetière, il n'en avait pas encore mais c'était en haut de la liste des choses à faire. Un bien fou d'être libre. Seth se pinça la lèvre inférieure avant de répondre : « Un bien fou peut-être mais au bout de six ans, j'ai presque le sentiment d'avoir oublier comment on vit une vie normale... » Il leva les yeux vers la porte du bureau qui venait de s'ouvrir. L'agent de réinsertion posa son regard sur Seth puis sur Evan avant d'appeler ce dernier. « Je t'attends ici. Pas de souci. » dit-il en tapotant le dos de son pote qui venait de se lever pour prendre place dans le bureau.

Il avait bu son café, il avait balancé l'emballage vide dans la poubelle à sa droite et s'était perdue dans la lecture de ces magazines débiles quand Evan réapparut dans l'embrasure de la porte. D'un bond Seth se leva en claquant des mains. « Allons-y mon vieux. » Et c'est ensemble qu'ils descendirent les rues pour rejoindre un petit café. Alors qu'Evan jetait un coup d'oeil à l'intérieur, Seth lui fit signe qu'il souhaitait rester en terrasse en coinçant une cigarette entre ses lèvres. Il lui en tendit une avant de prendre place à une table. « Alors dis-moi tout … tu t'en sors comment ? T'as trouvé où crècher ? » dit-il avant de prendre une bouffée sur sa cigarette.

Il avait donc découvert un lieu syloa où on pouvait aller pour grignoter un morceau afin de fêter nos retrouvailles. Ce plan me plaisais beaucoup. J'écoutais ses explications mais j'avais beaucoup de mal à saisir l'endroit.  « Parfait j'te suivrais. » Je faisais mine d'avoir compris ses explications mais en réalité ce n'était absolument pas le cas.

Je comprenais qu'il avait du mal à reprendre une vie normale. J'étais dans le même cas, la maison de ma sœur était immense comparé à la cellule que j'avais durant ses cinq dernières années. Sans compter qu'il n'y avait plus d'horaires, moins de règles strictes.  « Arrête, ça fait vraiment bizarre, comme si c'était un rêve. » Je fus interrompu en voyant la porte du bureau s'ouvrir. Étant le seul à patienter, je me levais tout en m'approchant et tendant ma main. Je fis un signe de tête à Seth puis suivi mon agent dans son bureau. On passait un long moment à discuter, à échanger.

Je fis par sortir, avec une once d'espoir. Je ne pouvais pas dire encore si j'allais pouvoir retrouver un emploi rapidement mais je n'étais pas seul. C'était déjà un bon point.  « Je te suis ! » Tout en emboîtant le pas, j'envoyais un message à ma sœur, pour la tenir au courant, comme convenu. Je regardais à l'intérieur afin de voir si il y avait de la place mais fus stopper par mon vieux pote qui préférait la terrasse. Soit. Je m'installais et répondis à sa question tout en prenant un me cigarette.  « Merci. Pas si mal je dois dire. Ma sœur m'héberge mais elle est pire que moi quand j'étais flic. J'ai dû aussi faire face à quelques discussions peu agréables mais ça va. Et toi alors ? » Je pris une bouffé de cigarette, c'était rare que je fumais avant, en prison j'avais pris l'habitude.

Après la cigarette, il va de soi qu'il lui tendit son briquet. Il alluma sa cigarette tout en prenant une longue bouffée, écoutant avec attention son ancien camarade qui lui expliquait vivre avec sa sœur. « La famille, c'est tout ce qui nous reste quand on sort de taule. Il faut en prendre soin. » dit-il comme s'il se le disait à lui-même. Sa tante était âgée depuis sa sortie de taule. Elle avait vieilli. Elle avait l'air fatiguée. Il avait manqué tellement d'années. Il lui avait causé tant de soucis, tant de peine que même aujourd'hui, il aimerait pouvoir lui rendre un peu de son sourire. La famille avait douillé tout autant que les prisonniers, si ce n'est pire. Il le savait alors il pouvait s'imaginer comment la sœur de son camarade devait réagir. Elle devait mourir d'inquiétude. « Je me suis trouvé un minuscule appartement dans le Nord et j'ai enfin trouvé un boulot. » Un nuage de fumée gris s'échappa de ses lèvres alors qu'il poursuivait : « Je bosse dans une galerie d'art pas loin d'ici. Ça ne paye pas encore les factures mais ça passe le temps et fait en sorte que les journées ne soient pas trop longues. » Il était payé à faire le ménage dans une galerie d'art. Et bizarrement ce boulot avait été la plus bonne nouvelle des derniers jours.
« La vie a été mise sur pause pendant des années et ils attendent de nous qu'on puisse se réintégrer en un clin d'oeil. Sacrée naivité. » Il reprit une bouffée sur sa cigarette alors qu'un serveur prenait place à côté d'eux pour prendre leurs commandes. « Je prendrais juste un thé. » dit-il au serveur tout en sachant pertinnement que sa commande ne passait avec sa stature. Mais soit.