T’es jamais rassuré quand quelqu’un crie ton nom, surtout pas dans la rue. Ce n’est pas comme si tu avais vraiment quelque chose à te reprocher, surtout pas auprès de quelqu’un qui connaissait ton prénom mais c’était le moment où tu refaisais généralement une longue liste de choses qui pourraient te valoir un quelconque grief les 40 dernières années. Tu remontais tes épaules au niveau de tes oreilles et bien t’en pris car la claque – tape – amicale te fit frémir. En plus d’être un poids plume, tu étais douillet et tu lançais un regard mi-apeuré, mi sentencieux vers l’homme qui se trouvait à tes côtés, une risette ourlant ses lippes dans une mine amicale. Tu réagis à peine à l’étreinte, probablement trop surpris ou surtout incapable de savoir où mettre tes mains et tes idées face à Seth. L’homme avait disparu de ta vie il y a quelques années, pour des actes que ton ex-épouse ne parvenait pas tout à fait à réprouver et que tu t’étais contenté de commenter par une grimace et un haussement d’épaules.
Tu tournais la tête vers ta fille qui levait de grands yeux ébahis vers ce mastodonte. Qu’il se souvienne de son prénom te fit chaud au cœur et mal au ventre ; il se souvenait mieux de ta fille que toi tu n’étais capable d’assimiler socialement. Il y aurait eu de grandes chances que tu ais oublié jusqu’au genre de son enfant s’il en avait eu. Max tourna vers toi un regard curieux, comme pour te demander l’autorisation de tourner autour de l’homme ; il faut dire que tu ne fréquentais pas réellement de gens de cette stature ou dans cette forme physique. Tes rares amis qui continuaient à te fréquenter avaient plus l’allure du geek ou celle de jeunes sportifs comme à la colocation que celui de présence de la nature comme Seth. « Euh.. je… » Que tu bafouillais intelligemment tandis que ta fille attrapait ta main. Tu ne sus quoi répondre à ce qui te semblait une avalanche de questions et tu ouvrais la bouche pour mieux la refermer, sentant une sueur froide coller ton t-shirt délavé et élimé à l’effigie d’Han Solo à ton dos. Tu aurais voulu refuser, parce que tu étais dans l’embarras, parce que tu ne savais pas quoi dire, parce que tu ne voulais pas dire à quelqu’un comme Seth ce qui t’avait poussé à cette déchéance, parce que tu te sentais minable et que la petite main de Max autour de la tienne ne suffisait pas – ou plus – à te donner du courage. Elle en avait pour vous deux, de toute façon, elle tendait déjà solennellement sa main vers l’homme qui s’était mis à sa hauteur. « Moi c’est Max mais tu le sais déjà. Il faut toujours se présenter en premier elle dit la maîtresse. » D’une voix faible, tu lâchais, comme on abandonne une partie, à bout de souffle : « C’est Seth, ma chérie. » Elle relevait déjà les yeux vers toi. « Seth à dire ? » Elle se mit à glousser, cachant sa bouche avec sa main, mimique qu’elle prenait lorsqu’elle racontait une blague et attendait ton approbation, sous la forme d’un sourire, d’un gloussement, d’une caresse parfois. Tu offrais un pâle sourire, coulant un regard en coin vers l’autre homme.
Tu ne savais déjà plus quoi dire, le souffle coupé par une espèce d’angoisse malsaine qui n’avait rien à voir avec l’ancienne situation de taulard de l’homme mais qui pourrait être interprétée comme telle. Tu n’en fus que plus paniqué et incapable de dire quoi que ce fut d’autre. « On va discuter ? On va manger une glace ? On va boire une limonade ? » Elle piétinait, pointant du doigt un fast-food un peu plus loin, où elle quémandait à chaque fois un sandwich ou une douceur, à grands renforts de j’ai faim moi et d’yeux larmoyants. Il n’y avait bien que sa mère pour lui résister. « Je… ne sais pas si… » Elle prit une grande inspiration, prête à taper du pieds. « S’il aime manger là-bas. » Elle te fixait déjà avec de grands yeux abasourdis ; qui n’aimait pas manger dans un fast-food ? Ignominie ! Elle se retourna vivement vers Seth. « Pourquoi tu aimes pas ? C’est parce que tu es tout musclé ? »