unfinished painting (colin)

you see, you just don't know
i'm here to give you my heart
and you want some fashion show
La somptuosité de ses grandes soirées résonne entre les murs de Melbourne alors que la ville se hâte déjà de rejoindre sa demeure apprêtée comme tous les samedis soirs pour recevoir les fortunés du pays, les profitards qui agissent de manière ostensible le temps d'une nuit, les belles demoiselles en quête d'un amour à cueillir ou bien les étrangers pour qui Wauters rime avec une expérience à goûter du pays.

Les réjouissances battent leur plein au beau milieu de la nuit, défiant les étoiles et leur brillance inestimable. Le champagne ruisselle à flot et la folie mêlée au vacarme produit par toute cette agitation musicale dévore chaque once de lucidité. Le beau monde vit, respire enfin, gâte ses danses à mesure que les minutes s'envolent.

Colin, perché sur le plus haut balcon du palace, admire d'un œil jouissif l'étendue de sa création. Il a revêtu l'un de ses plus fiers costumes trois-pièces, autant guindé que ses conviés, voire peut-être même plus, et coiffé d'une telle sorte à fréquenter les guinches les plus prestigieux. Pourtant lorsqu'il descend, c'est seulement pour se confondre dans la foule en délire, s'autoriser un verre et repartir invisible aux yeux de tous. (Mais il les aime ses réceptions hebdomadaires parce que là tout est le monde est égal ; les pauvres et les bourgeois, les braves travailleurs et les héritiers, ceux qui plaisent et ceux qui attirent les railleries, les oubliés et les célébrés. La vie se fige un bref moment et personne ne se soucie du quelconque pouvoir dont il jouit, pouvoir n'a plus aucun sens ces soirs-là.)

Quatre heures battant et les convives débarrassent les lieux de leur présence rythmée et alcoolisée. Des douzaines de voitures vrombissent au moment du départ, et les dernières silhouettes se perdent entre les rais de vapeur. Puis au sommet, trône ce même homme, droit et portant beau ; Wauters qui étire ses deux bras le long de la rembarre, à pleurer le calme piteux qui règne soudainement. Une dizaine d'assistants commence déjà à nettoyer, récurer, ordonner les décombres de cette énième soirée. Un silence.

Maintenant, il restera accroché au garde-corps du balcon qui sera un jour le maître du monde. L'immense jardin est débarrassé en tout point, mais les armées du silence s'en prendront à Colin et ce sera dans une solitude amère et habituelle qu'il s'enfermera, une nouvelle fois.