Face to face, just you and me, with no rules. Just like you, I get lonely too.

« J'irai tous les jours prendre mon café aux alentours de 9:00 … si le cœur t'en dit, on pourrait du coup finalement se rencontrer. Je comprendrais néanmoins si une rencontre n'est pas prévue et si tu préfères laisser nos échanges à un final PS. Je comprendrais, mais j'aimerais réellement te remercier de vive voix pour avoir adouci ces jours passés, enfermé entre quatre murs. Prends soin de toi. Seth. » Il avait terminé sa dernière lettre de la sorte. Il avait mis un point final à un échange épistolaire qui l'avait gardé en vie, qui lui avait donné le sourire et qui avait parfois adouci les journées routinières passées derrière les barreaux. Seth était libre depuis une semaine et demi. Il avait passé les premiers jours chez sa tante avant de se trouver un petit appartement dans un coin paisible de Melbourne. Sa tante l'avait aidé à trouver cet appartement minuscule ; pas facile de signer un contrat quand on doit expliquer ce qui s'est passé dans votre vie depuis six ans. Être en conditionnelle ne veut pas dire être libre. Depuis sa sortie de prison, Seth passait ses journées en plein air. Il ne pouvait pas rester enfermé chez lui. Il passait ses journées à errer dans les rues, écrire des lettres de motivation à la terrasse, à regarder passer les joggers assis sur un banc. Il avait ce besoin de grand espace. Apparemment, c'était une réaction normale après une longue période d'incarcération. Il profitait d'une toute nouvelle liberté. Il appréciait chaque petit moment, chaque bruit, chaque odeur. Il redécouvrait la vie. Sourire aux lèvres, journal sous le bras, il avait pris place à la terrasse du café dont il avait fait mention à Anastasia. Comme toujours, il allait y prendre son café. La serveuse connaissait sa commande par cœur et échangeait toujours quelques mots avec le géant. Ce café était pour lui un rituel, une routine à laquelle il s'accrochait … mais c'était également le lieu dans lequel Zooey avait eu l'habitude de lui expliquer ses histoires de cœur. Un moyen futile d'essayer de ne pas perdre son souvenir.

« Café latte. Comme d'habitude. » dit la serveuse en déposant le verre sur la table du géant. Il posa les lunettes de soleil sur la table minuscule avant de lui adresser un sourire poli. Le soleil australien brillait déjà. « Que des bonnes nouvelles aujourd’hui ? » demanda-t-elle en posant les poings sur les hanches. Il haussa une épaule. « Toujours les mêmes nouvelles absurdes. Je voulais te remercier pour ton contact d'hier. J'ai un entretien la semaine prochaine. On croise les doigts. » dit-il en croisant les doigts. La serveuse savait qu'il cherchait un boulot et elle connaissait quelqu'un qui cherchait des livreurs. Un boulot bien loin de son univers passé mais un boulot qui lui permettrait de payer les factures. Elle disparut rapidement pour regagner son comptoir et continuer à servir ses expressos. Seth, quant à lui, but son café tout en lisant les gros titres. S'adossant au dossier de sa chaise, il regardait passer la vague des passants, plus ou moins pressés. Cette course effrénée lui donnait parfois le tournis mais il aimait la sensation de faire partie d'un tout. Il aimait le sentiment de faire partie de ce tumulte. Il jeta un coup d’œil à sa montre. 09 heures 05. Et Anastasia prit une nouvelle fois place dans ses pensées.

Anastasia. Sa plume. Son écriture ronde et fluide. Sa pointe d'humour. Son grain de folie. Il but une gorgée de son café en se demandant ce qu'elle faisait. Est-ce qu'elle avait supprimé Seth de son esprit ? Est-ce qu'elle pensait à lui ? Est-ce qu'elle souhaitait le rencontrer ? Après tout, ils avaient fait des échanges épistolaires. Rien de plus. Le rencontrer en vrai était d'une toute autre dimension. Il était un ex taulard. Elle n'en connaissait pas les raisons. Lui faisait-elle suffisamment confiance pour s'aventurer à ce point de rendez-vous ? A quoi ressemblait-elle ? Qui était-elle ? Il soupira avant de prendre une nouvelle gorgée de son café. Devrait-il suivre le conseil de son pote qui lui avait proposé de la stalker sur les réseaux sociaux … juste pour savoir à quoi elle ressemblait. Hors de question ! Il n'était pas de ce genre là. « Essaie-moi ça, Seth. Dis-moi honnêtement ce que tu en penses. » souffla avec précipitation la serveuse, un brownie sur une assiette entre les mains. Il esquissa un sourire amusé alors qu'un rire s'échappait de ses lèvres. Mais alors qu'il aurait dû poser son regard sur le gâteau au chocolat, son attention se porta sur la jeune femme qui se trouvait à quelques mètres de lui. Elle avait l'air d'être figé depuis qu'elle avait entendu son nom. Le connaissait-elle ? Et il eut le sentiment que le temps venait de se figer alors que la serveuse disparaissait une nouvelle fois sur un pas dansant.

Le regard de Seth était rivé vers l'autre jeune femme qu'il ne pouvait pas quitter des yeux et c'est alors qu'il se tourna vers elle :  « Anastasia ? » Il avait demandé cela comme s'il ne croyait pas ses propres mots.

Les dernières phrases de Seth sur sa lettre tournent en boucle dans ta petite tête brune. Pour être totalement honnête à force de lire ses phrases sur la dernière lettre de Seth, tu en rêves même la nuit. Jusqu'à aujourd'hui, tu n'as pas eu une seconde pour toi, le boulot, le boulot... Tu n'as même plus la force de te replonger dans ton roman que tu commences à écrire, alors aller dans ce café pour pouvoir rencontrer Seth, tu n'en parles même pas. Et pourtant, ce n'est pas l'envie que te manque d'aller dans ce café afin de rencontrer cet homme qui depuis des années commence a fait fondre ton cœur. Aujourd'hui, tu es enfin en repos après plusieurs jours de travail acharné au tribunal, mais surtout après réécriture de tous les dossiers. Tu as été te détendre en faisant un petit footing pendant une petite heure et en rentrant, tu as pris une bonne douche suivi d'un bon petit déjeuner. Tu t'es préparé, tu as pris ton ordinateur portable afin de pouvoir enfin continuer à écrire le second chapitre de ton livre. Après tout, tu as promis à Seth de le finir le plus vite possible.
Il n'est que 8 h 30 lorsque, tu arrives au café dont parler Seth dans sa dernière lettre. Le temps étant réellement clément, tu t'es mise sur la terrasse. Tu as commandé un verre de jus d'orange afin de faire le plein de vitamines. Et tu t'es mises dans la suite de l'écriture du second chapitre de ton roman policier. La serveuse en t'apportant ta boisson t'a demandé si, tu avais besoin d'autre chose, tu as répondu non poliment. Tellement plongé dans l'écriture de ton chapitre que, tu ne fais pas réellement attention à ce qui se passe autour de toi. Tu entends vaguement un homme et ne femme parler à tes côtés, mais tu n'y prêtes pas réellement d'attention.
Tes doigts finissent par se figer au-dessus de ton clavier en entendant le prénom de Seth. Se pourrait-il que cet homme à seulement quelques mètres de toi s'agisse vraiment de l'homme pour qui ton coeur éprouve quelques sentiments. Tu ne peux pas empêcher ton regard de se glisser sur cet homme. Vos yeux finissent par se croiser et sans réellement comprendre pourquoi, tu sens ton coeur commençait à s'emballer et ton prénom sort de sa bouche. « Oui c'est bien moi. » Dis-tu gentiment avec un doux sourires aux lèvres. « Je suis ravie de te rencontrer enfin, Seth. » Dis-tu en fermant ton ordinateur sans réellement le quitter des yeux. « Comment vas-tu ? » Finis-tu par demander à Seth, cet homme que tu ne connaissais jusqu'à présent que par lettre.

Tenue de la demoiselle:

Son sourire s'élargit alors qu'elle confirmait être Anastasia. Son Anastasia. Ce prénom était bien trop rare pour que plusieurs Anastasia prennent place à ce café, à cette heure-ci. Non, il s'agissait bien de son Anastasia. « Je peux ? » dit-il en faisant un signe de tête pour désigner la chaise libre qui se trouvait face à elle. Elle hocha d'un signe de tête pour lui faire comprendre qu'il n'y avait pas de souci et c'est ainsi que le géant cala son journal sous le bras, s'empara de sa tasse de café et de l'assiette où trônait son brownie pour prendre place face à la jeune femme. Il n'en croyait toujours pas ses yeux. Elle était là face à lui. Il pouvait lire les traits de son visage, examiner son sourire et plonger son regard dans le sien. Étrangement, il prit conscience qu'il ne l'avait jamais imaginé. Il n'avait jamais essayé de s'imaginer les traits de son visage, son apparence. Il n'avait jamais essayé d'imaginer son sourire quand elle lisait ses lèvres, ou encore ses doigts tourner les pages. Anastasia avait été une amie abstraite, des lettres, et pourtant tellement plus. « Je n'aurais jamais cru que ça arriverait un jour, pour tout te dire. » avoua-t-il avec sincérité. « Et je suis plus que ravi de pouvoir enfin faire ta rencontre. » poursuivit-il toujours avec la même sincérité, un sourire radieux aux lèvres.

« Oh tout va bien. » Il se tut aussitôt avant de rectifier. « En réalité, c'est la réponse habituelle pour ceux qui demandent, la réponse que tout le monde attend. Je m'étais imaginée la sortie être une sacrée étape. Et bien dis-toi que c'est encore pire que ce que je m'imaginais. C'est dingue comme on finit par se perdre et se sentir minuscule dès qu'on a un peu plus de 11 mètres carré. » Avec elle, il n'avait pas à mentir. Elle connaissait ses sentiments, ses émotions. Il lui avait écrit et décrit ses longues journées à ressasser, à se refaire chaque événement de sa vie pour voir si le scenario choisi avait été le plus juste. Il lui avait parlé de ses angoisses de la sortie, de la peur de se sentir se noyer par tant d'espace … puis dans d'autres lettres, il expliquait qu'il avait besoin d'air frais, de sentir le soleil brûler son visage, mettre les pieds dans le sable, se lever quand bon lui semblerait. Il avait fantasmé sa sortie et la réalité avait été brutale. Il était paumé. « Mais toi comment vas tu ? Est-ce que tu étais en train d'écrire ? » dit-il en pointant du doigt l'ordinateur de la jeune femme. Il but ensuite une gorgée de son café, sans pour autant la perdre du regard.

Tu es arrivé au café à 8h30, tu t'es plonger dans le chapitre de ton roman. Tu t'es tellement plongé dedans, que tu n'as pas vu les minutes défilés, tu as fini par t'en rendre compte lorsque tu as entendu ton prénom. Tu n'as pas eu besoin de demander le prénom de cet homme, à cet heure-ci et surtout ici, cela ne pouvait être que Seth. Pour être honnête, depuis qu'il t'a annoncé sa sortie de prison, tu as attendu avec impatience votre rencontre. Tu l'admets, tu aurais réellement aimé avoir fini ton second chapitre comme tu lui a promis, toutefois à cause du travail, tu n'as pas réussi à tenir cette promesse. « Oui bien sûr. » Lui as-tu annoncé avec un petit hochement de tête avec un sourire aux lèvres. Tu es heureuse d'enfin rencontré Seth. Avec ton imagination débordante, à quelques reprises tu as essayé de t'imaginé Seth. Toutefois il est tellement mieux que tout ce que tu as pu imaginer jusqu'à présent. Tu l'admets, tu ne sais pas pourquoi Seth s'est retrouvé en prison, mais tu sens dans son regard qu'il a déjà tellement vécu et ça te donne envie d'en savoir plus sur lui, ça te donne envie de faire partie de sa vie même si ce n'est qu'en tant qu'amie malgré que ton coeur espérerait autre chose. « Le proverbe ne dit-il pas ne jamais dire jamais ? » Dis-tu d'un ton un peu interrogatif et amusé à la fois. Tu ne vas pas te mentir à toi-même, tu ne peux pas comprendre ce qu'il a pu ressentir en étant enfermé durant toutes ses années, mais tu essaies de l'imaginer. Après tout, tu es également écrivaine, l'imagination est l'une de tes plus grandes qualités. Tu as demandé à Seth comment il allait et sa réponse n'a pas tardé. Sans réellement t'en rendre compte pendant que tu l'écoutais, l'une de tes mains s'est posé sur l'une des siennes. « Je ne peux qu'imaginer ce que tu dois ressentir. Sache seulement une chose, je suis là pour toi. » Annonces-tu avec la plus grande sincérité à Seth. Tu ne peux pas comprendre ce qu'il ressens, tu as toujours été libre de tes mouvements, en revanche, tu peux très bien l'imaginer. Mais, tu es sincère, tu seras là pour lui s'il en ressent le besoin. Tu as ressentis tout ses sentiments, toutes ses émotions à travers ses lettres. Tu as ressenti toute son angoisse à l'idée de sortir de prison, mais tu t'es juré d'être présente pour lui, de l'aider à se réaclimater après tant d'année enfermé. Aujourd'hui, tu es heureuse d'avoir participer à cet acte bénévole, cela t'a permis de faire sa connaissance et surtout de ressentir des sentiments que tu n'avais plus ressenti depuis des années. « Je vais bien, très bien maintenant. Oui, avec le travail que j'ai eu ses derniers jours, je n'ai pas eu une seconde pour moi. Mais j'ai quasiment fini le second chapitre, tu pourras bientôt le lire. » Lui dis-tu avec un sourire radieux aux lèvres. Tu ne t'attends pas à ce que ton roman soit un Best Seller, mais tu sais que si ça doit arriver, tu veux qu'il soit à tes côtés.